Le kilim

Voici un extrait du Livre « Symbolique des Kilims » (édition Bleu Autour) écrit par Ahmet Diler & Marc-Antoine Gallice, les pionniers du kilim en France qui ont ouvert cette boutique.

Le mot kilim sert à désigner un tapis de laine à point plat qu'on trouve principalement au Proche Orient, dans le Caucase ainsi qu'en Asie Centrale et qui a vu le jour il y a près de dix mille ans comme l'attestent de nombreux vestiges. Jusqu'à une période très récente les kilims n'étaient pas confectionnés dans un but commercial. Ils ont donc conservé toute leur authenticité. Ils représentent à la fois la mémoire et l'identité des peuples sédentaires, nomades et semi-nomades qui les tissent. Chaque tribu, chaque village possède son propre style: couleurs chatoyantes ou sobres, décors complexes ou épurés suivant les régions. Leurs motifs constituent une forme d'écriture symbolique héritée des anciennes croyances chamanistes.

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Le tissage serait-il une des plus anciennes manifestations artistiques humaines ? Un archéologue britannique, James Melaart, semble avoir répondu à cette question en exhumant à Çatalhöyük, site néolithique des environs de Konya, des fresques présentant des similitudes frappantes avec les kilims d'Anatolie Centrale. Selon lui cet art remonterait au début de la domestication du mouton, c'est à dire à peu près huit mille ans avant notre ère.

D'autres archéologues, comme Elizabeth Wayland Barber, pensent que la laine n'est devenue propre au tissage qu'à partir du quatrième millénaire. Les motifs que l'on trouve sur les kilims auraient donc été inspirés des décors de poterie ou de vannerie comme le suggère Cathryn M. Cootner dans son ouvrage sur la collection Mc Coy.

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Quoi qu'il en soit c'est le support textile qui a assuré la meilleure permanence à cette iconographie puisqu'on la retrouve encore de nos jours chez les peuples tisserands. Les thèmes qui inspiraient nos lointains ancêtres nous sont parvenus et avec eux un peu de leurs aspirations, de leurs craintes, de leurs croyances. Ce patrimoine de motifs couvre une région qui s'étend des Balkans à la Chine, II semble que le berceau de cet art se situe en Mésopotamie et qu'il ait rayonné vers les oasis de l'Asie centrale et orientale par le biais du nomadisme pastoral, mode de vie apparu au troisième millénaire entre le Tigre et l'Euphrate pour réponde à un besoin croissant en viande et en laine qui obligea les éleveurs à se déplacer sans cesse à la recherche de nouveaux pâturages. Le public occidental n'a découvert que récemment cette forme de tissage même si certains amateurs éclairés avaient su en apprécier les qualités artistiques et le pouvoir magique.

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C'est justement cet engouement tardif qui, en préservant le kilim de toute influence commerciale, lui a permis de garder son authenticité, Les techniques, tant du filage de la laine, du tissage proprement dit que de la confection des teintures sont restées les mêmes pendant des millénaires.

Le fil de la tradition n'a été rompu qu'à la fin du siècle dernier avec l'apparition des colorants chimiques La production des multiples groupes et sous groupes tribaux ainsi que celle des villages dont certains abritent sans doute les descendants directs des premiers sédentaires se caractérise par des coloris et des motifs qui permettent de déterminer la provenance de chaque pièce. Pourtant à l'intérieur de ce patrimoine la liberté d'exécution est totale Le kilim est une oeuvre unique, inspirée, authentique, moderne par la puissance de son graphisme, éternelle par ses sources d'inspiration.